Le grain et l’ivraie, de Fernando Solanas, est le film d’ouverture de notre festival et sera projeté le 7 octobre 2019 à 20h00 au cinéma Le Studio à Aubervilliers! La projection sera suivie d’un débat avec Julie Amiot-Guillouet, professeure des Universités, directrice adjointe du laboratoire Agora de l’Université de Cergy Pontoise et spécialiste du cinéma hispanique classique, moderne et contemporain. La projection se fera également en présence du Collectif Climat Aubervilliers.
Article préparé par Pascale El Dib
Le documentaire de Fernando Solanas Le grain et l’ivraie traite de l’utilisation des pesticides et principalement du Glyphosate dans l’agriculture en Argentine. Cet herbicide, le plus utilisé dans le monde, a été classé par l’OMS en 2015 comme « cancérigène probable ».
La problématique posée par le documentaire est développée en deux parties. Dans la première, le réalisateur se concentre sur deux principaux axes. Le premier s’interroge sur l’impact dramatique de l’utilisation des pesticides à travers divers secteurs : sanitaire, social et environnemental. Il met en lumière la situation sanitaire alarmante dans les régions agricoles en Argentine en s’appuyant sur l’augmentation des taux de cancer et des malformations congénitales qui constituent les conséquences les plus graves de cette utilisation.
Ce documentaire montre en outre les conséquences de cette utilisation sur le plan social dans les sociétés urbaines d’une part et dans les régions rurales d’autre part. Solanas s’intéresse au déplacement des populations vers les villes en raison des politiques d’acquisition des terrains agricoles. Bien que le réalisateur ne montre pas directement la situation créée par ce problème dans les régions rurales, ces dernières sont affectées par une surpopulation et une augmentation du taux de chômage et de la pauvreté.
L’impact sur l’environnement est également mis en évidence: la pollution de l’air due aux pesticides et la déforestation afin de gagner encore plus de surface cultivable. Il s’agit en effet d’augmenter la production agricole d’une part et les gains commerciaux provenant des pesticides d’autre part.
Fernando Solanas ne s’est pas limité à la présentation du problème et de ses impacts, mais il est allé plus loin. Il met en relief l’incapacité des argentins (aussi bien la société que les chercheurs) de faire entendre leur voix face aux pouvoirs publics et internationaux et souligne le lien étroit entre le capitalisme, l’argent et le pouvoir politique.
Dans la seconde partie du documentaire, Solanas ouvre néanmoins un horizon, un chemin de résilience, qui pourra redonner l’espoir aux argentins et aux spectateurs, car il met en exergue les efforts de certains argentins qui adoptent les méthodes de l’agriculture biologique.
Bien que ce film pose un problème qui concerne directement le peuple argentin, sa problématique se pose bien au-delà des frontières de l’Argentine. Les pesticides ravagent nos terrains afin d’augmenter la production agricole et les gains des entreprises productrices de pesticides sous prétexte de la satisfaction des besoins alimentaires dans un monde où la corruption et les intérêts économiques influencent les pouvoirs et les décisions politiques.
Ce film permet au spectateur de se poser la question de la situation de l’agriculture intensive et de l’utilisation des pesticides dans différents pays du monde. En effet, malgré l’exigence des normes et des lois en Europe et malgré le travail qui se poursuit au niveau européen pour réduire l’usage des pesticides, l’utilisation du Glyphosate demeure très répandue. A titre d’exemple, en France, plus de 8 mille tonnes par an de ce pesticide ont été utilisées en 2016. Cette même année, l’approbation du Glyphosate a été renouvelée en se fondant sur les rapports de l’EFSA qui ont contredit le rapport de l’OMS. Cette décision n’est que le résultat d’un lobbying puissant des entreprises productrices de ce pesticide au sein et de l’UE.
L’élimination de ce pesticide est encore compromise en Europe et l’influence des ONGs militantes contre cette utilisation reste limitée. Le film de Solanas nous invite également à nous interroger sur l’usage des pesticides dans d’autres pays où la corruption est alarmante et les droits de l’homme ne sont pas respectés.
Face à cette puissance du lobbying qui promeut l’utilisation de ses produits afin de défendre les intérêts des entreprises productrices, nous pouvons nous demander si les ONGs réussiront un jour au nom des intérêts publics et humains à obtenir l’interdiction de ces pesticides.