Article préparé par Eva-Rosa Ferrand Verdejo
La première édition du Festival « Le documentaire engagé dans les Amériques » a officiellement débuté hier soir avec la projection du documentaire Le Grain et l’Ivraie du cinéaste argentin Fernando Solanas. Pour l’occasion, nous avons eu le grand honneur d’accueillir Paul-Henri Giraud, Secrétaire Général de l’Institut des Amériques, Julie Amiot Guillouet, professeure à l’Université de Cergy Pontoise et spécialiste en cinéma hispanique, Cathie Allier, représentante du Collectif Climat d’Aubervilliers et Vincent Bidaux, représentant du mouvement Nous voulons des coquelicots. Marianne Bloch Robin (Sorbonne Université) et Angélique Saverino (Institut des Amériques), organisatrices du festival, ont expliqué le choix de la thématique et présenté la programmation des jours à venir. La discussion avec Julie Amiot Guillouet, Cathie Allier et Vincent Bidaux suite à la projection du film a été animée par trois des doctorantes membres du Jury du festival : Alice Langlois, Pascale El Dib et Maud Cazaux.
Nous tenons à remercier chacun de nos invités pour son implication dans cette première soirée, ainsi que notre public, que nous invitons à nous rejoindre ce soir pour la projection de La Fin des Terres, de Loïc Darses !
Un film engagé qui propose également une réflexion sur le cinéma
Julie Amiot Guillouet a ouvert la discussion qui a suivi la projection du film en le situant dans la filmographie de son réalisateur et en soulignant certains aspects importants d’un film dont la thématique est au cœur des préoccupations actuelles et dont la valeur cinématographique est considérable.
Ainsi, Viaje a los pueblos fumigados (Le Grain et l’Ivraie) est le dix-huitième long métrage de Fernando Solanas, l’une des figures phares du cinéma documentaire engagé. Le documentaire s’inscrit dans la dernière étape de la filmographie de Solanas : auteur de quatre documentaires militants tournés avant la dictature argentine – en particulier le film-fleuve mythique La hora de los hornos (1968), il poursuit une production de film de fictions en exil, puis en Argentine, et revient au documentaire dans les années 2000, dans un pays en proie à la crise économique et aux inégalités sociales, avec un cinéma engagé qui ouvre le dialogue sur le démantèlement de l’économie argentine et des liens sociaux.
Le film rend hommage à des scènes marquantes du cinéma international et national. Ainsi, l’image de l’avion qui passe au-dessus du champ ne manque pas de rappeler au spectateur la célèbre séquence de La mort aux trousses d’Alfred Hitchcock, un classique des films d’espionnage. De même, Solanas rend hommage à l’un des grands noms du cinéma documentaire argentin, Fernando Birri, un des pionniers du Nouveau Cinéma Latinoaméricain, fondateur de la « Escuela de Santa Fe », et réalisateur, notamment, du film Tire Dié (1960), qui s’intéresse aux conditions de vie des populations les plus défavorisées à Santa Fe, en Argentine.
Viaje a los pueblos fumigados se propose de rendre visible une réalité qui n’est pas évidente pour tout le monde et tourne ainsi le dos à la ville pour aller filmer des endroits dans lesquels le cinéma n’a pas l’habitude de se rendre. Il s’agit donc de rendre visible un véritable problème social qui nous concerne tous mais qui est particulièrement grave dans les communautés rurales autochtones, qui ne sont pas toujours écoutées ou valorisées.
Solanas profite de son œuvre pour fournir une véritable réflexion sur le cinéma documentaire : loin d’aspirer à une objectivité qui serait par ailleurs impossible à atteindre, Solanas donne à son film une dimension réflexive et se met en scène, souvent caméra à la main. Ainsi, le réalisateur souligne le rôle du cinéaste documentaire : rendre visible ce qui est caché.
Au-delà du film
Nous avons ensuite profité de la présence de Cathie Allier, représentante du Collectif Climat d’Aubervilliers et de Vincent Bidaux, représentant du mouvement Nous voulons des coquelicots afin de poursuivre le débat sur la question de l’usage des pesticides – question qui n’est bien entendu pas propre à l’Argentine mais qui est également d’actualité en France. L’objectif de ces associations est de faire en sorte que les citoyens se mobilisent et se rendent visibles afin d’encourager et soutenir les agriculteurs, les responsables des espaces verts de villes, et toute personne désireuse de retrouver une alimentation libre de pesticides afin d’en obtenir l’interdiction. Les différentes mobilisations sociales qui animent le monde laissent deviner une prise de conscience de la part des citoyens ainsi qu’une volonté de sortir de l’individualisme pour renouer les liens sociaux et reconnecter avec le vivant.